Séminaire de dermatologie pédiatrique de l’hôpital Necker (SDPHN)
Ce séminaire, qui a eu lieu en juin dernier à la maison de la Chimie à Paris, remporte chaque année un vif succès rassemblant essentiellement des pédiatres et des dermatologues. Des présentations d’actualités y sont proposées le matin, l’après-midi étant consacré à des cas cliniques, évidemment très illustrés.
Nous résumerons ici les communications concernant les actualités dans l’eczéma de contact de l’enfant, dans le diagnostic des phytophotodermatoses et dans les problèmes que posent les éruptions cutanées en pédiatrie.
1. L’eczéma de contact de l’enfant, fréquent et sous-diagnostiqué
L’eczéma de contact (EC) est fréquent chez l’enfant (16,5 % aux États-Unis), mais largement sous-diagnostiqué. Il est responsable de 20 % des dermatites atopiques (DA). Une sensibilisation de contact est retrouvée chez 40 %-50 % des enfants testés après orientation.
L’EC peut s’observer dès les premiers mois de la vie et sa fréquence augmente avec l’âge.
Les facteurs de risque de sensibilisation aux topiques lors de la DA sont la sévérité et la précocité de la DA, ainsi que les sensibilisations IgE-médiées.
Il faut penser à l’EC devant certaines distributions évocatrices des lésions (zone palmo-plantaire, péribuccale, péri-ombilicale et sous élastiques, siège). Une histoire clinique évocatrice, des activités et des loisirs tels que la pâte à modeler ou la peinture, une dermatose d’origine inconnue, une aggravation d’une dermatose précédemment stable et l’absence d’amélioration sous traitement d’un eczéma doivent également faire rechercher un EC.
Présentations cliniques de l’EC
- Lésions maculo-papuleuses érythémateuses étendues
- Vésicules palmaires et digitales enchâssées
- Érythèmes des plis des extrémités
- Érythème confluent de la région périnéale et des plis
- Dermite périorale ou labiale, chéilite
- Dermite ou œdème des paupières
Pour rechercher les allergènes en cause, la batterie standard européenne actuelle comprend vingt-six allergènes les plus fréquemment responsables des dermatites de contact allergiques. Pour l’enfant, la batterie standard sera allégée, en priorisant les allergènes les plus fréquents chez l’enfant (métaux, parfums, surfactants, antibiotiques locaux, conservateurs) et en y ajoutant les produits personnels. Un interrogatoire ciblé selon l’âge est donc essentiel.
Allergies de contact aux antiseptiques
Peu rapportés chez l’enfant, les eczémas de contact aux antiseptiques sont sous-diagnostiqués. Ils nécessitent de réaliser des patch-tests ou, au minimum, un test ouvert d’application répétée (ROAT test) avec le produit suspecté, pour caractériser l’allergène.
Le digluconate de chlorhexidine est l’allergène prédominant dans les eczémas de contact aux antiseptiques chez l’enfant. Des co-sensibilisations sont fréquentes, notamment avec le chlorure de benzalkonium et l’alcool benzylique, parfois présents dans une même préparation. L’hexamidine (famille des biguanides et amidines) peut également être en cause. La question se pose de savoir s’il faut continuer à utiliser largement les biguanides comme désinfectants et s’il y a lieu de les proscrire chez les sujets atopiques.
Comment explorer un eczéma de contact ?
Les tests épicutanés ou patch-tests permettent l’exploration d’allergies retardées, médiées par les lymphocytes T. Il faut utiliser une batterie standard avec certaines spécificités (ajout de produits personnels).
Les ROAT tests, tout comme les tests d’usage et les évictions, sont des alternatives utiles aux patch-tests.
Prise en charge de l’eczéma de contact
Le traitement médicamenteux repose sur les dermocorticoïdes, pour lesquels il faut préciser la quantité, le niveau et la durée. Un antihistaminique est habituellement prescrit en cas d’œdème. L’éviction d’un ou des allergènes doit être expliquée, avec des fiches d’information, voire des applications smartphone. La prévention est essentielle et doit être répétée à chaque consultation : pas de parfums, ni de conservateurs à risque chez l’enfant et vérification de la composition des produits utilisés par/pour l’enfant.
(D’après la communication du Dr Nathalia Bellon, hôpital Necker-Enfants malades, Paris).
2. Les phytophotodermatoses : un risque mal connu, source d’erreurs diagnostiques
Les plantes photosensibilisantes sont connues depuis l’antiquité pour traiter le vitiligo (en Égypte, Psoralea corylifolia en Inde).
Beaucoup plus tard, la dermite des prés a été décrite en 1932, les furocoumarines ont été découvertes en 1938 et le rôle des UV-A en 1939. Aujourd’hui, on dénombre de nombreuses nouvelles publications sur le sujet, mais les phytophotodermatoses restent encore mal connues.
Une phytophotodermatose est une dermatose résultant du contact de la peau avec une plante, contenant un photosensibilisant, et le soleil. Elle donne une éruption de type « coup de soleil ».
Quatre grandes familles de plantes sont responsables de ces phytophotodermatoses :
- Les apiacées (ombellifères).
- Les moracées.
- Les fabacées.
- Les rutacées (agrumes).
Ce sont les furocoumarines (psoralènes) qui sont photosensibilisantes et les UV-A qui provoquent les réactions de photosensibilisation.
Chez l’enfant, les phytophotodermatoses ne sont pas rares, mais le risque est mal connu tant chez les soignants que dans le grand public. Les sources d’erreurs diagnostiques sont essentiellement les sévices à enfants et les infections cutanées, notamment l’herpès et l’impétigo.
Trois types de phytophotodermatoses
Les manifestations cutanées phototoxiques sont à type de coups de soleil : érythème, œdème, bulles, +/- pigmentation. L’intensité est variable selon la plante, le siège et l’intensité du contact. Il en existe diverses dénominations et présentations cliniques :
- La dermite des prés (apiacées surtout – panais, grande berce, carotte sauvage, céleri, fenouil – et moracées). Elle est liée à l’association herbe + eau + soleil et est plus fréquente aujourd’hui en raison de la tonte des pelouses. Elle se manifeste après 24 à 72 heures maximum, sous forme d’un érythème, d’un œdème et de bulles, parfois de brûlures sévères. Une pigmentation séquellaire durable (plusieurs semaines, voire plusieurs mois) est souvent observée, reproduisant parfois le dessin de la plante.
- La dermite en breloque (bergamote présente notamment dans l’eau de Cologne, citron vert, fraxinelle et rue des jardins). Elle se manifeste sous forme d’une pigmentation en coulée ou en taches, sans phase inflammatoire préalable.
- La maladie de Lyme (rutacées surtout – citron vert) est fréquente aux États-Unis et en Amérique du Sud. Les lésions bulleuses très intenses sont parfois trompeuses pouvant faire penser à des brûlures, un érythème polymorphe, un herpès ou un impétigo.
Quand évoquer une phytophotodermatose ?
Ce diagnostic doit être évoqué devant des lésions bulleuses, pigmentées à disposition linéaire ou figurée. Le diagnostic différentiel doit être fait avec les autres phytodermatoses par irritation chimique (lésions pigmentées ou bulleuses souvent retardées) ou allergiques.
Que retenir ?
Les phytophotodermatoses se présentent sous des tableaux cliniques variés, sources d’erreurs diagnostiques. Il faut savoir y penser devant des lésions cutanées « bizarres », des bulles. Une grande variété de plantes présentes dans l’environnement, mais aussi dans les produits « naturels » appliqués sur la peau, est responsable de ces phytophotodermatoses, qui sont fréquentes chez l’enfant, d’où la nécessité d’une meilleure information.
(D’après la communication du Dr Martine Audran, CHU d’Angers).
3. Éruptions cutanées chez l’enfant
Trois principaux types de situations se présentent devant un enfant présentant une éruption cutanée plus ou moins fébrile :
- Éruption avec évolution stéréotypée et bon état général : maladies éruptives classiques et « syndromes éruptifs » (virus).
- Éruption avec évolution non stéréotypée +/- arthralgies, myalgies… mais bon état général (virus).
- Éruption associée d’emblée à une altération de l’état général : infections bactériennes, plus rarement virales, maladies inflammatoires ou de système.
Il n’existe pas de relation univoque entre la nature de l’exanthème et l’agent infectieux responsable. Les exanthèmes ont été caractérisés à partir de maladies classiques de l’enfant, mais leur cause peut aujourd’hui être variable :
- Exanthème scarlatiniforme : infections bactériennes principalement, mais aussi virales (virus d’Epstein-Barr [HBV]…).
- Exanthème morbilliforme : infections virales surtout, mais aussi bactériennes, lupus érythémateux aigu disséminé, réaction du greffon contre l’hôte.
- Exanthème roséoliforme : infection virale (herpèsvirus humains type 6 [HHV6]), bactérienne, maladie de Still…
La liste des principaux virus responsables d’un exanthème chez l’enfant s’est un peu allongée : entérovirus, HHV6, virus varicelle-zona, parvovirus B19, EBV, virus de la rougeole et de la rubéole, cytomégalovirus (CMV), rotavirus, Echovirus, entérovirus…
Cette extension est due aux changements intervenus entre le XXe et le XXIe siècle, à savoir les modifications environnementales, les zoonoses (enfants voyageurs), le SARS-CoV-2, soit, d’une façon plus générale, les changements climatiques et environnementaux, la modification progressive des zones d’endémie et celle des épidémies saisonnières.
La démarche diagnostique doit donc reposer, en premier lieu, sur un interrogatoire fléché sur les vaccinations, les prodromes, la présence ou non d’un énanthème, les signes accompagnateurs, la prise de médicaments, l’épidémiologie et la notion de voyage. L’examen clinique complète l’orientation diagnostique : des érosions évoqueront un entérovirus, un parvovirus, un CMV ou encore le VIH, des papules pharyngées feront penser au HHV6 ou au HHV7, des pétéchies à l’EBV…
Absence de relation univoque entre un syndrome paraviral caractérisé et le virus responsable…
Le syndrome de Gianotti-Crosti (éruption papuleuse du visage et des extrémités des membres, qui va durer trois à quatre semaines, plus ou moins fébrile, dans un contexte de bon état général) bien caractérisé depuis longtemps peut se rencontrer avec de nombreux virus : VHB EBV, CMV, HHV6, parvovirus B19, post-vaccinations… Ce même tableau peut donc s’observer plusieurs fois chez le même enfant, lié à un agent infectieux différent.
Certaines éruptions ont été décrites au XXe siècle, comme la pseudo-angiomatose éruptive : papules angiomateuses peu nombreuses (moins de dix lésions) avec halo de vasoconstriction, bon état général et régression spontanée en une à deux semaines. Les premiers cas rapportés étaient liés à un Echovirus, mais d’autres, dans des publications plus récentes, font état de Coxsackies, d’adénovirus, de CMV, d’EBV…
et à un virus donné, plusieurs sémiologies/évolutions possibles
Le parvovirus B19 peut, par exemple, donner une multitude de tableaux cliniques :
- Mégalérythème épidémique.
- Éruption non spécifique, maculo-papuleuse, vésiculo-papuleuse.
- Lésions muqueuses.
- Desquamation des extrémités.
- Syndrome de Gianotti-Crosti.
- Purpura…
Ces données expliquent, qu’en l’absence de signes cliniques de gravité, de terrain particulier et de sujets contacts à risque, il n’y a pas la nécessité de rechercher l’origine virale de ces symptômes qui vont régresser spontanément.
Du XXe au XXIe siècle : de nouvelles éruptions
Les éruptions à entérovirus se sont complètement modifiées ces dernières années, avec une raréfaction du syndrome pieds-mains-bouche classique et l’apparition de présentations de lésions érythémateuses sur le visage et les membres, de lésions vésiculeuses, d’une localisation périanale ou encore de tableau d’érythème polymorphe… tableaux qui deviennent « classiques ».
L’hypomélanose éruptive se traduit par des macules hypopigmentées : l’éruption est brutale, en trois/quatre jours, sous forme de macules bien limitées, sans phase inflammatoire, ni prurit, au niveau des bras, des jambes et des extrémités, avec plus ou moins des adénopathies axillaires. La régression se fait spontanément en trois semaines. Une étiologie virale est fortement suspectée, sans que l’on connaisse encore l’agent responsable.
Voyages et changement climatique
Les arboviroses comme le Zika, la dengue et le chikungunya, autrefois localisées dans les Caraïbes, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, se voient maintenant sous nos climats, avec des tableaux associant fièvre, éruption morbilliforme, conjonctivite et plus ou moins arthralgies.
(D’après la communication du Pr Christine Bodemer, hôpital Necker-Enfants malades, Paris).
Article rédigé par le Quotidien du Médecin en partenariat avec Ducray
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